La souveraineté numérique et ses enjeux en 4 points simples

La société dans son ensemble est de plus en plus dépendante des technologies numériques.

 

 

Tous les aspects et tous les secteurs de la société sont impactés :

 

  • Les individus sont de plus en plus dépendants des technologies numériques au quotidien, les difficultés d’accès deviennent même pénalisantes pour l’accès à des démarches élémentaires et on parle d’illectronisme pour les personnes qui ont de réelles difficultés à aborder le numérique dans leurs activités de base (navigation sur internet, envoi d’un mail, visioconférence…).
  • Les entreprises digitalisent leur activités à grande vitesse, cette démarche a été entamée il y a quelques années et se poursuit toujours. On peut l’assimiler à une forme de révolution industrielle par son ampleur et par les mutations qu’elle implique dans l’économie.
  • Au niveau de l’état la démarche de numérisation est largement entamée. Elle permet la numérisation des services, l’organisation de la transition et le support à la démarche par l’investissement et le soutien économique.

Cette adhérence, voire cette dépendance croissante au numérique soulève des préoccupations quant à la capacité à préserver son autonomie, à toutes les échelles, son indépendance stratégique et sa capacité d’action.

 

L’enjeu est bien celui de l’autonomie stratégique, est c’est souvent sous cette seconde appellation, moins clivante, que le sujet de la souveraineté est abordé.

 

 

Le parallèle peut largement être fait avec la notion de souveraineté industrielle qui est apparue comme étant un sujet d’inquiétude lors de l’épidémie de COVID 19.

 

Cette période a révélé notre dépendance à la Chine pour la production industrielle, et nos économies ont été bien en peine de s’adapter par manque d’infrastructure industrielles adaptées aux besoins.

 

Nous avons importé des masques à tour de bras, nous avons rationné les médicaments, etc… Cette dépendance a mis en avant l’impératif de relocalisation de l’appareil industriel.

Ce qui s’est produit pour l’industrie dans son ensemble est tout à fait transposable à l’économie numérique.

Une prise de conscience accélérée par l'occurrence du risque

la protection des données, un enjeu de souveraineté numérique

La souveraineté numérique c’est la capacité pour un individu, une organisation ou un État de contrôler ses propres données et interactions dans le monde numérique.

 

En d’autres termes, c’est la garantie que nos informations personnelles et nos activités en ligne ne sont pas soumises à une surveillance ou à un contrôle non autorisé, exercé par un acteur externe.

 

Cette définition souligne l’importance de maintenir notre autonomie et notre liberté dans un univers mondial de plus en plus polarisé.

Etant donné les enjeux et les acteurs, ces investissements sont réalisés à l’échelle du continent.

 

A titre d’exemple L’affaire Snowden en 2010 est souvent citée comme un catalyseur important.

Les révélations de l’ancien agent de la NSA ont mis en lumière l’ampleur de la surveillance de masse exercée par les agences gouvernementales, suscitant un débat mondial sur la protection de la vie privée et la nécessité de préserver notre souveraineté dans le cyberespace.

Ces révélations ont mis en évidence les vulnérabilités de nos données et ont incité les gouvernements, les entreprises et les citoyens à prendre des mesures pour renforcer leur contrôle sur leurs informations personnelles en ligne.

 

Plus fréquemment on citera les attaques cyber organisées par des organisations malveillantes très structurées, pour perturber les capacités de la société. Elle sont nombreuses et touchent tous les aspects de la société,

 

Sur le plan local, l’attaque du CHU de Rennes en juin 2023 aura significativement perturbé les services. Le soir de l’attaque, la messagerie, les connexions au SI à distance ainsi que la connexion Internet ont été interrompues, et un mois après, des données ont été publiées sur le dark web par un groupe de cybercriminels.

 

A court terme, si les e-mails entrants ont été rétablis rapidement, le site Internet du CHU est resté assez longtemps inaccessible, rendant impossible la prise de rendez-vous en ligne et les téléconsultations, avec un retour au papier généralisé pendant la crise, avec les impacts en termes de réactivité et d’efficacité que cela suppose.

 

Les services institutionnels ne sont pas épargnés, à l’image de France Travail qui a été victime à son tour d’un vol généralisé de données personnelles des bénéficiaires. Ces données sont ensuite exploitées pour des tentatives d’hameçonnage, d’escroqueries ou d’usurpation d’identité des personnes concernées par cet épisode.

Les différents aspects de la souveraineté numérique

Le sujet de la souveraineté numérique englobe un large éventail d’aspects, allant de la sécurité des données à l’autonomie politique et économique, en passant par la protection de la vie privée et le développement d’une infrastructure numérique résiliente.

 

Ces différents aspects sont tous interconnectés et jouent un rôle essentiel dans la préservation de la souveraineté d’un pays ou d’une organisation dans le monde numérique.

 

Contrôle des données :

 

La souveraineté numérique concerne la capacité à contrôler les données générées, stockées et échangées. Cela inclut la capacité à déterminer qui peut accéder à ces données, comment elles sont utilisées et à quelles fins.

Par exemple, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de l’Union européenne impose des règles strictes aux entreprises qui collectent et traitent les données personnelles des citoyens européens, garantissant ainsi un certain niveau de contrôle sur la façon dont leurs données sont utilisées.


Indépendance technologique :

 

Il s’agit de la capacité d’un pays ou d’une organisation à développer et à maintenir ses propres technologies numériques, plutôt que de dépendre de fournisseurs étrangers. Cela peut inclure le développement de logiciels, de matériel informatique et d’infrastructures numériques nationales.

Par exemple, la Chine a lancé des initiatives telles que « Made in China 2025 » visant à promouvoir l’innovation et le développement de technologies telles que l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs et la 5G, afin de réduire sa dépendance à l’égard des technologies étrangères.


Protection de la vie privée :

 

La souveraineté numérique implique de garantir la protection de la vie privée des individus dans le monde numérique. Cela comprend la mise en place de mesures de protection des données personnelles, telles que le chiffrement, la gestion des consentements et la transparence sur l’utilisation des données.

Par exemple, Apple a introduit des fonctionnalités telles que le chiffrement de bout en bout pour les messages et les sauvegardes iCloud, ainsi que des options de confidentialité granulaires dans ses systèmes d’exploitation pour permettre aux utilisateurs de mieux contrôler leurs données.


Autonomie politique et économique :

 

La souveraineté numérique vise à préserver l’autonomie politique et économique d’un pays ou d’une organisation. Cela implique la promotion de politiques et de réglementations nationales qui favorisent l’innovation, la concurrence équitable et le développement économique dans le secteur numérique.

Par exemple, l’Estonie est devenue un leader mondial de la transformation numérique en mettant en place des politiques favorables à l’innovation, telles que la création d’une infrastructure numérique gouvernementale et le soutien aux startups technologiques nationales.


Développement d’une infrastructure numérique résiliente :

 

Il s’agit de la capacité à développer et à maintenir une infrastructure numérique robuste et résiliente, capable de résister aux cyberattaques, aux pannes techniques et à d’autres menaces potentielles. Cela inclut la mise en place de mesures de sécurité, de sauvegarde et de reprise après sinistre.

Par exemple, une entreprise peut utiliser des pare-feu, des antivirus et des solutions de détection des intrusions pour sécuriser son réseau, ainsi que des sauvegardes régulières pour protéger ses données contre la perte ou la corruption.


Souveraineté culturelle et informationnelle :

 

La souveraineté numérique concerne également la préservation de la diversité culturelle et informationnelle dans le cyberespace. Cela implique de protéger les contenus culturels et les informations locales contre la domination des grandes plateformes et des entreprises étrangères.

C’est l’exemple du programme Europeana, qui vise à numériser et à rendre accessible le patrimoine culturel européen en ligne. L’Europe encourage également la promotion des contenus culturels et des médias locaux dans le cadre de sa politique audiovisuelle et de sa directive sur les services de médias audiovisuels.

Des actions à toutes les échelles pour renforcer la souveraineté

Les individus et les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent contribuer à renforcer la souveraineté numérique globale de plusieurs manières.

La liste des actions possibles est naturellement très longue, mais elle converge vers les éléments principaux suivants.

Comme lorsqu’il s’agit de se nourrir, on a le choix de consommer des produits qui viennent de l’autre bout du monde, ou des produits locaux. C’est un simple choix cohérent avec une posture.

Parmi ces choix, on peut citer les suivants :


Utiliser des solutions numériques souveraines :

 

Les individus et les PME peuvent choisir d’utiliser des solutions numériques développées localement ou européennes, qui respectent les normes de protection des données et de sécurité. Par exemple, ils peuvent opter pour des alternatives européennes aux services de cloud, de messagerie électronique ou de gestion de projet.


Favoriser l’innovation locale :

 

Les individus peuvent soutenir les startups et les entreprises locales qui développent des technologies numériques innovantes. Ils peuvent choisir d’acheter des produits et des services de fournisseurs locaux ou européens, contribuant ainsi à promouvoir l’innovation et l’autonomie technologique.


Utiliser des logiciels open source :

 

Les individus et les PME peuvent opter pour des logiciels open source qui offrent plus de transparence et de contrôle sur le code source. En utilisant des alternatives open source aux logiciels propriétaires, ils contribuent à promouvoir l’indépendance technologique et à réduire la dépendance vis-à-vis des fournisseurs étrangers.


Encourager l’utilisation de standards ouverts :

 

Les individus et les PME peuvent promouvoir l’adoption de standards ouverts dans leurs interactions numériques. Les standards ouverts favorisent l’interopérabilité entre les différents systèmes et logiciels, ce qui renforce la concurrence et réduit le risque de verrouillage technologique par un fournisseur particulier.



Naturellement les transitions ne sont pas acquises, et le facteur humain est important.

Il est donc essentiel d’avoir une approche d’accompagnement qui elle aussi peut se traduire par de nombreux types d’actions. Nous en citons quelques unes.


Sensibiliser à la protection des données :

 

Les individus et les PME peuvent sensibiliser leurs employés et leurs clients à l’importance de la protection des données et de la vie privée. Ils peuvent organiser des sessions de formation sur les bonnes pratiques en matière de sécurité informatique et de gestion des données personnelles.


Participer à des réseaux de partage de connaissances :

 

Les individus et les PME peuvent rejoindre des réseaux de partage de connaissances et de bonnes pratiques en matière de sécurité informatique et de protection des données. En échangeant des informations et des expériences avec d’autres acteurs, ils peuvent renforcer leurs compétences et leur résilience face aux menaces numériques.


Adopter des mesures de sécurité informatique :

 

Les individus et les PME peuvent mettre en œuvre des mesures de sécurité informatique pour protéger leurs données et leurs systèmes contre les cyberattaques. Cela peut inclure l’utilisation de logiciels antivirus, de pare-feu et de solutions de sauvegarde régulières.

Conclusion

La souveraineté numérique se réfère à la capacité d’un État, d’une organisation ou même d’un individu à exercer un contrôle sur les données, les technologies et les infrastructures numériques qui les concernent.

 

Cela inclut la capacité à protéger la vie privée et la sécurité des données, à garantir l’indépendance technologique et à préserver la diversité culturelle et informationnelle. La souveraineté numérique est donc essentielle pour assurer la sécurité, la confidentialité et la liberté dans un monde de plus en plus interconnecté et dépendant des technologies numériques.

 

Pour les États, la souveraineté numérique est un enjeu de politique publique. Elle touche à la protection de la sécurité nationale, à la défense des droits fondamentaux des citoyens et à la sécurisation du développement économique et de l’innovation. Les gouvernements élaborent des politiques et des réglementations appropriées pour garantir la souveraineté numérique de leur pays, et investissent dans des infrastructures numériques sécurisées, en promouvant l’innovation locale.

 

Pour les entreprises, la souveraineté numérique est également un enjeu stratégique. Elles doivent prendre des mesures pour protéger leurs données et leurs systèmes contre les menaces cyber, tout en respectant les réglementations en vigueur en matière de protection des données. Elles doivent également veiller à maintenir leur indépendance technologique en développant des solutions numériques internes ou en choisissant des partenaires technologiques fiables et sûrs.

Pour les individus, la souveraineté numérique est une question de liberté, de vie privée et de contrôle sur leurs propres données et activités en ligne. Ils doivent prendre des mesures pour protéger leur vie privée et leur sécurité en ligne, en utilisant des outils de sécurité et en adoptant des comportements responsables sur Internet.

Voir aussi

Sources